vendredi 13 décembre 2013

La Venus a la Fourrure

La Vénus à la fourrure


Réalisé par Roman Polanski ;
Écrit par Roman Polanski et David Ives ;
D’après la pièce de David Ives et le livre de Leopold von Sacher-Masoch.


Une actrice, Vanda, vient passer une audition pour jouer dans une pièce écrite par Thomas, pièce adaptée du roman La vénus à la fourrure de Sacher-Masoch. Mais peut être est-ce l’inverse…

Deux acteurs, Emmanuelle Seigner et Mathieu Amalric, une scène de théâtre.

Thomas Novachek

Dans le film, Mathieu Amalric interprète Thomas Novachek, l’auteur-adaptateur de la vénus à la fourrure. Mais, forcé par les évènements, il se met à donner la réplique, entrant dans le rôle de Severin von Kushemski… et Vanda le force ainsi peu à peu à prendre, au fil du film, plusieurs rôles, de plus en plus enchevêtrés.

Vanda Jordan

Emmanuelle Seigner est Vanda. Elle se présente comme une actrice qui a parcouru le texte dans le RER. Elle veut jouer, elle veut passer l’audition, et Thomas accepte finalement de lui donner la réplique. Et peu à peu, elle développe son rôle initial (dans la pièce de Thomas, le personnage qu’elle interprète porte le même nom qu’elle, Wanda von Dujanev) : elle commence à interpréter d’autres personnages… tout en laissant s’instaurer un doute sur sa véritable identité.

La pièce

La pièce écrite par Thomas adapte La vénus à la fourrure  de Sacher-Masoch pour le théâtre. Le roman, de 1870, parle de l’amour masochiste de Severin von Kushmeski pour Wanda von Dujanev[1]. La pièce reprend des scènes fortes du roman, en omet d’autres tout aussi fortes (choix artistique de Thomas).



Le film

David Ives, puis Polanski, ont travaillés à partir du roman de Sacher-Masoch pour en sortir une substantifique moelle : le roman parle de rôles pris par des personnes de leur plein gré, ou non. Le film (et avant lui la pièce de David Ives) jouent sur les rôles interprétés par les personnages. Ce n’est pas deux, ni même quatre rôles qui sont interprétés, mais toute une myriade. La distinction entre les rôles apparait d’abord clairement, puis elle se distille, jusqu’à ne plus savoir qui a réellement le pouvoir, qui joue réellement ou non (de Thomas, de Vanda, ou des personnages interprétés).

Ce problème de perception permet à David Ives toute une réflexion sur ce qui unit deux personnes : le couple, la douleur, la soumission, le détachement, le pouvoir… avec comme angle d’attaque le problème de la domination de l’un sur l’autre.

Peu à peu, les personnages perdent de leur appartenance au monde sensible, rejoignent un monde plus vaste, plus mythique, sans toutefois quitter le théâtre. Et cette simple adaptation de Sacher-Masoch, à l’origine assez sexiste, avec un repentir de la femme qui admet in fine la domination de l’homme, devient une tragédie grecque.

C’est principalement pour ces raisons que j’ai apprécié le film, et que je vous conseille d’aller le découvrir en salles.

Bande annonce :


Bon visionnage !





[1] Ce roman donna naissance, par le biais du nom de son auteur Sacher-Masoch, au mot « masochiste » dans son acception actuelle.

mardi 30 juillet 2013

Chihayafuru



Série animée, écrite par Naoya Takayama
D’après le manga de Yuki Suetsugu


Chihayafuru raconte l’histoire de Chihaya Ayase, qui souhaite devenir « reine » du karuta (plus haut grade dans cette activité). Pour ce faire, elle doit créer une petite équipe, et gagner des tournois, tout en jonglant avec la vie et les envies de ses proches.

C’est donc avant tout une histoire de compétition.

Le karuta est un jeu de cartes japonais.

Je me dois de décrire la façon dont on y joue, avant de pointer ce qui me semble intéressant dans la série.

C’est un jeu de mémoire.
Les adversaires tirent 50 cartes des 100 du jeu, et se les répartissent 25/25. Ces cartes contiennent la deuxième partie d’une compilation de poèmes.
La répartition faite, les joueurs attendent qu’un lecteur se mette à lire la première partie d’un poème, et ils doivent prendre la carte qui correspond sur le jeu le plus vite possible.
Le vainqueur est le premier à ne plus avoir de carte devant lui.

C’est un jeu restreint au Japon, quoi que depuis la série, il semble qu’il commence à s’exporter…




Je suis très mitigé. À la fois car c’est une bonne série, mais aussi une série japonaise.

D’une part, c’est une bonne série feuilletonnante, très bien écrite. On s’accroche aux personnages, et aux thématiques universelles qui sont développées dans la série. Le choix du karuta est aussi très bien pensé, puisque c’est considéré à la fois comme un jeu et un sport. Jeu traditionnellement joué au Nouvel An, sport parce qu’il appelle de la mémoire, de la réactivité, et qu’il existe des compétitions. Au final, c’est une activité qui fait autant appel à l’esprit qu’au corps.

D’autre part, je dirais que c’est une série japonaise. C’est d’un point de vue plus large que je vais donc aborder, prenant cette série comme exemple, avant de revenir sur les spécificités de cette série.
Tout d’abord, je n’ai rien contre la production audiovisuelle japonaise. Mais à force d’en voir, on voit revenir des thématiques précises, avec un traitement qui est propre à ce pays. On voit aussi, à un autre niveau, comment sont écrit, comment sont amenés les éléments, presque à chaque fois. C’est à la fois ce qui fait le charme de ses séries japonaises (animées ou non) et qui, d’un autre côté, rend cette production « attendue ».
Ainsi, Chihayafuru fait appel à des thématiques trop vues à mon sens, dans le traitement qui y est apporté : il y a le dépassement de soi, l’importance de l’équipe, la question de l’amitié, l’importance de la compétition, la question du bouc émissaire, couplé à celle de l’ijime (intimidation), etc. Ces thématiques sont toujours traitées de la même manière, avec la même finalité.

Ceci n’enlève rien à la pétulance de Chihaya Ayase, et à la vie qui sort de cette série, que je vous recommande.



Là-dessus, je remarque deux choses que je tiens à vous faire partager :
-         L’épisode 16 ne sert à rien et reprend pour l’essentiel des animations qui ont déjà servi. C’est du remplissage.
-         Dans les épisodes 23 et 24 (d’une première saison qui en compte 25), les héros sont totalement passifs, rivés devant la télé, en train de regarder une compétition de karuta. Je trouve qu’il y a une beauté à faire un cliffhanger de trois épisodes pour faire attendre la saison 2… Là-dessus, le scénariste présente les compétiteurs pour pouvoir créer une dramaturgie au sein du combat. Cette présentation met en exergue ce qui permet aux gagnants de gagner, et qui n’est autre qu’une radicalisation des thèmes propre à cette série :
o   L’amour du jeu est-il l’amour du sport ?
o   Faut-il persévérer à jouer où se mettre à travailler ?
o   Comment apprécier les cartes ? Par la poésie qu’elles contiennent, par leur histoire, par les syllabes (cartes à 1, 2 ou 3 syllabes), par la tradition, par l’analyse statistique, par le souvenir de quelqu’un, etc. ?

Ce sont en grande partie ces dernières thématiques qui m'ont accroché à cet anime.



dimanche 21 avril 2013

La traversée du temps


La traversée du temps (2007)
Un dessin animé de Mamoru Hosoda
Sur un scénario de Satoko Okudera
d'après le roman éponyme de Yasutaka Tsutsui

Hier soir, j'ai revu "La Traversée du temps" de Mamoru Hosoda.

Makoto Konno, un fille qui ne prend pas le temps de penser avant d'agir, se retrouve doué du pouvoir de traverser le temps. Afin d'éviter de s'engager, elle se sert de se don pour régler les problèmes amoureux de ses amis, en aidant, de fait, d'autre filles amoureuses à se rapprocher d'eux. Seulement, ses voyages provoquent d'autres catastrophes. Et nous sommes en fin d'année scolaire, aussi, à 17 ans, il faut tracer les grandes lignes de son futur...

Les personnages sont tous très bien écrits, tous attachant. Le récit est à la foi vif et léger, et l'on se demande tout de suite comment Makoto s'en sortira.



Le seul défaut est, à mon sens, la fin. Il semble que le scénariste n'ai pas trouvé comment finir - il engage d'ailleurs un "tunnel explicatif" ("scène de reprise de chapeau" dirait Hitchcock) à un instant où le temps est arrêté, et il accumule alors les incohérences. Je pinaille, je sais, mais qui aimes bien châtie bien. Ce moment légèrement romantique, presque légèrement sirupeux, transforme Makoto. Mais bizarrement, à ce moment, qui aurait du être un des plus fort du film, il semble passer à coté de son sujet. Est-ce un soucis de rapport au livre ? Je l'ignore. Mais tout à coup, les motivation de l'interlocuteur de Makoto, interlocuteur que l'on connait depuis le début du film, paraissent floues. En expliquant ce qui se passe à Makoto, il ajoute un degré de plus à ces passages dans le temps, puisque lui-même vient du futur... mais tout le  film, habilement monté jusqu'alors, devient un château de cartes qui tombe.

Mais à part cette fin, le film reste un très bon moment.


dimanche 24 février 2013

Seventh Heaven - L'heure suprême

Seventh Heaven - L'heure suprême



Réalisé par Frank Borzage
Sur un scénario de Benjamin Glazer
D'après la pièce éponyme d'Austin Strong

C'est un bon mélodrame, formidablement mis en scène. L'histoire d'un amour qui se crée entre deux personnes, Chico et Diane, tandis que Chico doit partir  l'armée, pour la guerre de 14.

Quelques thèmes ont un peu vieilli, voir ne sont plus d’actualité (en France en tout cas) : notamment le rapport à la religion. Le film est favori aux oscars de 1929.


avant goût de The Artist...

Mais il me semble que cette fiction arriva trop tôt. Les conventions hollywoodiennes de l’époque ont probablement joué sur l’écriture du scénario, qui, du coup, n’arrive pas à choisir le bon protagoniste. Les deux personnages principaux sont Chico et Diane, qui ne se connaissent pas au début du film, mais qui se rencontrent et entre qui un amour fort naît peu à peu. Seulement, Chico rêve, quand Diane est une femme battue par sa sœur. Entre les deux, mon empathie se dirige plus vers Diane que vers Chico. Elle vit aussi le plus de conflits dans le film : elle passe d’une sœur qui la bat à l’appartement d’un homme qu’elle ne connaît pas, et qui part ensuite pour la guerre alors qu’elle commence à l’aimer, puis elle se fait ouvertement draguer dans l'entreprise de construction de munitions où elle travaille. Tandis que Chico reste passif durant tout le film, sauf lorsqu’il la protège, par deux fois, au début.




L’intérêt me semble porté sur Diane. Ceci en fait un film fort puisque les héros de cette époque sont essentiellement masculins. Mais Diane ne va pas jusqu’au bout de là où elle pourrait aller (où on la ferait probablement aller de nos jours). De fait, elle devient passive à partir du moment où Chico la quitte pour la guerre. Des pointes d’activités lorsqu’elle se repaît en fouettant sa sœur, lorsqu’elle dit « non » au supérieur, mais sans cela, elle reste la femme à sa fenêtre qui attend le retour de son homme. Mais Chico, alors filmé, reste soldat parmi les soldats, donc passif.

Or, qu’y a-t-il de plus ennuyeux que de voir deux personnages passifs ne rien faire (ici pour leur amour) à l’écran ?




Le problème tient en la théorie du film : « l’amour ne connaît pas de frontières. » Il semble difficile de faire admettre une telle théorie si l’un et l’autre se retrouvent. Le truc ici est un rendez-vous, que donne Chico à Diane. Il pense à son amour pour elle à onze heures, tous les jours, où qu’il soit. Et Diane reçoit cet amour, où qu’elle soit, à onze heures précises.

Le scénariste n’a peut être pas pu (ou pas pensé pouvoir) donner un rôle plus fort, plus volontaire à Diane, où, soyons fou, elle irait le rejoindre par quelques moyens que ce soit sur le champ de bataille, comme Roxane dans Cyrano de Bergerac.

C’est un film de 1929, rappelons-le…




Hormis ce problème de scénario, ce film reste un beau film, formidablement interprété et mis en scène. Sur les cinq oscars pour lesquels le film a été nominé, Frank Borzage et l’actrice interprétant Diane, Janet Gaynor, ont été chacun récompensés d’une statuette. Si ce film vaut le détour, ça reste pour la réalisation et le jeu.

Une autre présentation, par Benjamin Merlet :



Enfin, si vous voulez voir le film, il est disponible sur Youtubes :



A bientôt !