mardi 13 septembre 2011

L'enfant qui venait d'un livre



Je me permets de critiquer le Guillaume Musso belge, Didier Van Cauwelaert. Je tiens de source sûre que c’est bien l’équivalent belge de l’écrivain hexagonal, car à vrai dire, je n’ai pas encore osé ouvrir un récit 'Mussolien' pour m’assurer que le belge lui soutenait la comparaison.

Tout d’abord, deux mots sur l’ouvrage.

Le texte, publié aux éditions Prisma, s’intitule l’enfant qui venait d’un livre et est vendu comme le premier romanga. Ce mot valise signifie qu’en achetant le livre, le lecteur pourra découvrir en parallèle un roman (l’enfant…) et un ‘‘manga’’ (Zédérem, illustré par Patrick Serres). De plus, le quatrième de couverture nous indique, par un encart, que des peintures sont aussi incorporées, celles de l’artiste Soÿ.

Cette collaboration entre texte, bd, et peintures, a été réalisé au profit du traitement de la dystonie musculaire déformante, une maladie orpheline mal connue du cerveau et des muscles qui peut apparaître chez les enfants, dont vous pouvez avoir un apperçu ici. Même si ce but est louable, avait-il vraiment besoin d'un tel livre pour se faire connaître ?

Je ne critiquerais pas les incohérences propre à la partie bande dessinée. Cette dernière pouvant être lue indépendamment du roman, je ne m'y intéresserais pas. Je ne m’interrogerais pas non plus sur le lien présupposé entre les tableaux de Soÿ et le texte, qui me semble relativement inexistant.

Sur le texte

Je ne me permettrais pas une critique facile, en reprenant le texte mot à mot pour mettre en valeur ce qui ne fonctionne pas. Je vais commencer par le squelette afin de comprendre pourquoi ne tient elle pas debout, puis, je m’aventurerais vers deux points de détails.

La structure est mal amenée parce que deux histoires sont contées à la suite. Si l’on prend les cinquante premières pages, la première aventure se résume ainsi : Louise, femme à l’accueil d’un salon du livre jeunesse, doit s’occuper d’un gamin ressemblant étrangement à un personnage dessiné sur la couverture d’un manga, et l'aider à retrouver ses parents (sous peine d’être virée). Dans les cinquante dernières pages, le pitch diffère sensiblement : Zédérem, le garçon dont s’est occupé Louise, veut faire en sorte que le créateur du manga se remette avec sa femme et finisse le deuxième tome de son histoire. D’un premier abord, la différence entre les deux histoires est de changer de protagoniste. Par ailleurs, Louise est remisée au rôle de la femme éplorée tombée amoureuse du commissaire, et qui appelle certes au téléphone, mais a, à chaque fois, la même réponse : « je vous tiendrais au courant » elle n'agit plus.

Par rapport à l’objectif premier du livre, c’est tout de même l’histoire d’un garçon qui veut être reconnu par l’écrivain comme provenant du manga pour qu’il le finisse… et puisse par là-même sortir sa fille de sa maladie : la dystonie. Le sujet me semble éloigné de cet objectif, parce qu'il semble être une pièce rapportée. 

Didier Van Cauwelaert se décrit lui-même comme un « romancier de la reconstruction[1] » : la plupart des ouvrages qu’il a écris parlent de personnes initialement en difficulté et en grande souffrance, qui cherchent à se reconstruire au fil des pages. Or, il se trouve que la dystonie musculaire dont souffre la jeune Naomi est une maladie qui appelle une reconstruction : ainsi qu’il est dit dans la postface, l’opération pour guérir de cette maladie qui a été découverte en 1996 par le Professeur Coubes, au CHU de Montpelliers, est spectaculaire puisqu’il s’agit d’implanter des électrodes dans le cerveau. Mais pour réaliser cette opération, la maladie étant orpheline, il n’y a pas suffisamment de fonds. Ce sujet appellait un traitement direct...

Ce qui entraine l’écrivain à poser ses propres clichés. Ainsi y a-t-il toute une critique de notre société, en filigrane dans ce roman. Une citation parmi d’autres :

« [Louise est une actrice qui a suivi les cours Florents mais n’a fait jusqu’à présent que des casting, sans aller au-delà] Elle devrait coucher davantage, mais elle est de ces comédiennes qui pensent que le talent, le travail et la chance suffisent.[2] »

Tout d’abord, en revenant sur le concept du Romanga, il signifie qu’il appelle les enfants (fan de manga) à venir le lire. Mais qu’est ce qu’un enfant peut comprendre à cette phrase ? Il n’est pas assez mur ! Ensuite, si l’on suppose que le romancier à écrit pour un public adulte, que nous dit-il ? Que les actrices couchent pour y arriver, car il n’y a de toutes façon que ce moyen pour se hisser en haut du firmament. Ainsi, il enfonce des portes ouvertes, tout en confortant le lecteur dans ses propres références. Si le récit montrait à la fin une vraie évolution de Louise (qui pourrait se retrouver, soudain, à jouer le rôle de la mère du petit Zédérem, par exemple, pour qu’il se remettre avec son père-créateur), alors il y aurait eu une raison pour qu’il enfonce de telles portes ouvertes au début du livre. Mais là, ce type de phrase tombe entre la poire et le fromage, et on l’oublie aussi vite qu’elle a été lue. Ce qui fait que du point de vue de la critique de société, ce roman est un grand vide.

Le problème, à mon sens, c’est que l’auteur a une façon d’écrire proche de celle employée par Simenon : il a un sujet sur lequel il a pensé une trame, puis il se met à écrire, à "broder" la version définitive[3]. Un exemple, à nouveau :

« Elle démarre, branche son GPS Tam Tam ventousé sur le tableau de bord.[4] »

Cette phrase commence un paragraphe où Zédérem est dans la voiture de Louise, piloté par cette dernière ; ils vont chez ses parents. Mais elle est branlante : il aurait fallu y incorporer le début de la phrase suivante (« En faisant la queue à la borne de sortie, elle entre les données fournies par l’enfant […][5] ») afin de donner une dynamique simple, un sentiment d’urgence au lecteur. Ici, le texte (essentiellement au présent de l'indicatif, qui n'est pas un temps du récit) ne se contente que d’énoncer une suite de faits, tel un scénario. Rien ne nous fait rêver. C’est hélas du roman de gare.

Il est facile de comprendre pourquoi Didier Van Cauwelaert se vend bien : d’une part, il écrit beaucoup, et de l’autre, ses récits se lisent plutôt bien, et ne va pas proposer de réflexions à ses lecteurs – ce n’est pas du Balzac, hélas. Mais à l’inverse de ce dernier, il ne va pas marquer son époque. La question que je me pose encore est comment a-t-il fait pour obtenir tant de prix, si prestigieux parfois ?


[1] François Busnel, « Didier van Cauwelaert: "Je suis un romancier de la reconstruction" » sur http://www.lexpress.fr, 28/06/2010
[2] Van Cauwelaert, Didier, l’enfant qui venait d’un livre, ed. Prisma, p.6.
[3] N’ayant rien lu sur son procédé de création, j’exagère peut être un peu, car il peut y avoir relecture et corrections, mais ces dernières sont hélas minimes
[4] Van Cauwelaert, D., op. cit., p. 29
[5] Ibid., p.29

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire