lundi 23 novembre 2015

Occupied


OCCUPIED


Une série créée par  Jø Nesbo,
Écrite par Jø Nesbo, Karianne Lund et Erik Skjoldbjærg,
Réalisée par Erik Skjoldbjærg, John Andreas Andersen, 
Pål Sletaune, Erik Richter Strand et Eva Sørhaug.


SYNOPSIS

Occupied est une série d’anticipation familiale Norvégienne, plaçant le pays en situation de crise :
Dans un futur proche, la Russie occupe la Norvège avec l'assentiment de l'Union européenne, pour s'approprier son pétrole.

À l’heure où j’écris ce billet, seul les deux premiers épisodes, Avril et Mai ont été diffusé sur Arte. Avant de lire, je vous invite à voir ses épisodes – car quelques spoilers sont parsemés dans la suite du texte.



LE CONCEPT SOUS-JACENT DE LA SÉRIE

La série pose une interrogation toute simple : comment définir notre rapport à l’étranger ?
Cette interrogation est ici mise en valeur en « poussant » un curseur : les immigrants, ici Russes, ont une force de frappe supérieure à celle de la Norvège, donc ce pays est forcé de les accueillir pacifiquement.
De plus, du moins au début de la série, il est intéressant de voir que la Russie n’envahis pas la Norvège, mais « l’aide. » (Se posent les problèmes linguistique de ce que signifie « invasion », tel que ratifié dans les traité de la convention internationale).

L’argument politique est un pilier d’où découlent les arches de la série. Mais s’il y a des affaires au plus haut niveau de l’état, que ce passe-t-il parmi le peuple ? L’arche « opposée » met en place une restauratrice, qui remet son restaurant à flot grâce à ses clients russes.


L’ÉTRANGER

L’étranger le plus proche de nous vivant sous notre toit, c'est l'autre partie du couple. Les auteurs ont choisi de mettre en place trois couples principaux, mais trois couples bien différents :
-          Le premier est le couple forcé : il s’agit du premier ministre Jesper Berg avec la ambassadrice russe Irina Sidorova. Irina entrera probablement bientôt en conflit avec la femme du couple secondaire celle femme de Jesper Berg, qui attend un enfant.
-          Ensuite, il y a le couple amoureux, formé par Hans Martin, garde du corps du premier ministre, Hilde, sa femme, fraichement nommée juge, ainsi que leur fille. Hilde a une peau métisse, mais étant donné son travail, elle a la nationalité norvégienne. Hilde représente le personnage intégré dans cette société, malgré les préjugés qui peuvent avoir lieu à son égard.
-          Enfin, il y a le couple recomposé, comprenant journaliste politique Thomas Ericksen et son fils d’un côté, et Bente Norum, la femme avec qui Thomas vit en concubinage, ainsi que sa (leur ?) fille de l’autre.

Ces trois couples permettent d’offrir au spectateur un panel de la notion d’étranger.

Le concept d’étranger est marqué à tous les niveaux. 

-          « L’amie » du premier ministre qu’est la chancelière allemande a retourné sa veste en forçant le couple.Mais on parle peu de la chancelière dans les deux premiers épisodes. Son utilité se limite juste à fermer la possibilité d'une réplique de la Norvège. On a donc trois étrangers au ministre :
o   la chancelière
o   Irina Sidorova
o   Et son enfant à naître – je me permets de souligner la simplicité visuelle de l’amour de Jesper pour la Norvège.
-          Hans fait son métier de garde du corps. Mieux, il sauve des vies. Notamment, dans le deuxième épisode, celle d’Irina. Celle qu’une grande part du pays aimerait voir regagner son ambassade pour ne plus en sortir. Or donc, Hans est amoureux et prévenant (trop prévenant, d’ailleurs). Il porte une réponse simple à la question de la série : il suffit d’aimer l’autre.
-          Thomas Ericksen vit en concubinage avec une femme qu’il aime. Mais pour remettre son restaurant à flot, elle reçoit des clients russes. Geste antipatriotique en ces temps de tensions, mais sans ça, son restaurant coulerait. De son côté, Thomas, quoique journaliste politique critique, reste profondément patriote. Enfin, le fils de Thomas n’apprécie que moyennement cette femme…


Occupied S1E2, Hans, garde du corps du premier ministre


L’ÉCRITURE DES PERSONNAGES

Il est intéressant d’observer comment chaque personnage est conçu de la même manière : chaque personnage est accompagné au fil de la série par un personnage étalon, qui permet donc de montrer l’évolution dudit personnage. Mais ce personnage étalon est aussi considéré comme un personnage, avec une arche propre, donc un autre personnage étalon. De plus, chaque personnage a la modélisation de sa propre vision de l’avenir de la Norvège. Cette modélisation, c’est les enfants.
-         Ainsi, la femme du premier ministre est enceinte, comme lui-même souhaite que la Norvège « accouche » de traités fort contre le réchauffement climatique, et il a d’ailleurs été élu pour ces raisons. On peut alors supposer les deux choses les plus probables, sur les quatre envisageables : soit la grossesse ira à terme, mais Jasper sera de plus en plus la marionnette des russes, soit il se lèvera soudain contre Irina, mais alors, la grossesse échouera. Je m’attends à ce que la grossesse aille à son terme, mais que Jasper (ou la femme) demande le divorce. En tout cas, il y aura le problème du statut de cet enfant, un nouvel étranger…
-         Nous ignorons tout à l’heure actuelle d’Irina Sodorova, mais comme elle reprend entre autre l’archétype de la femme dynamique mais froide, il n’est pas impossible qu’elle n’ait pas connu la maternité.
-         Hans et Hilde ont une fille, mélange de leurs deux sangs. C’est le couple amoureux, la fille le représente bien.
-         Thomas a eu un fils d’un premier mariage. Ce fils permet de pousser le curseur de la relation de Thomas avec sa nouvelle concubine, Bente. Si Thomas est amoureux de Bente, son fils n’apprécie pas franchement la nouvelle femme de son père. Il faut signaler ici que Thomas a (trouve ?) toujours quelque chose de plus important à faire que d'aider Bente, qui le lui rend bien, puisqu'en retour, elle lui indique froidement la plonge qui n'a pas été faite, et dont il doit tout de même s'acquitter.
-         Mais Bente a une fille. Cette fille est-elle le fruit de l’amour de Thomas et de Bente ? Je n’en ai aucune idée. Mais celle-ci permet de mettre en œuvre le rapport que sa mère entretient, notamment avec l’argent (à la fin du deuxième épisode notamment). Le rapport entretenu avec l’argent, mais aussi avec les russes.
-         On pourrait parler du russe qui permet au restaurant de Bente de revenir à flot. Celui-ci a un lien fort avec l’enfance, en tant que père. Nous ignorons tout de sa vie privée, mais nous remarquons qu’il amuse la fille de Bente... comme il se montre cordial avec la mère.

Le rapport aux enfants est primordial dans cette série. Ils permettent en outre de dire ce qu’un adulte ne peut pas dire à celle qu’il aime.Comme le dit le proverbe : "la vérité sort toujours de la bouche des enfants."


Occupied, S1E2, le russe amuse la fille de Bente


LE RYTHME DE LA SÉRIE

Ce qui est passionnant, (on pourrait probablement aussi dire subjectif) c’est de remarquer qu’il se passe fort peu d’action dans ces deux premiers épisodes. Les personnages sont si bien creusés et étoffés qu’ils permettent à leurs auteurs de travailler à fond chaque avancées de l’histoire. Ceci permet un dialogue entre les trois couples présentés qui ne parlent pas encore physiquement les uns aux autres



Je vous présente le générique de début :

vendredi 13 décembre 2013

La Venus a la Fourrure

La Vénus à la fourrure


Réalisé par Roman Polanski ;
Écrit par Roman Polanski et David Ives ;
D’après la pièce de David Ives et le livre de Leopold von Sacher-Masoch.


Une actrice, Vanda, vient passer une audition pour jouer dans une pièce écrite par Thomas, pièce adaptée du roman La vénus à la fourrure de Sacher-Masoch. Mais peut être est-ce l’inverse…

Deux acteurs, Emmanuelle Seigner et Mathieu Amalric, une scène de théâtre.

Thomas Novachek

Dans le film, Mathieu Amalric interprète Thomas Novachek, l’auteur-adaptateur de la vénus à la fourrure. Mais, forcé par les évènements, il se met à donner la réplique, entrant dans le rôle de Severin von Kushemski… et Vanda le force ainsi peu à peu à prendre, au fil du film, plusieurs rôles, de plus en plus enchevêtrés.

Vanda Jordan

Emmanuelle Seigner est Vanda. Elle se présente comme une actrice qui a parcouru le texte dans le RER. Elle veut jouer, elle veut passer l’audition, et Thomas accepte finalement de lui donner la réplique. Et peu à peu, elle développe son rôle initial (dans la pièce de Thomas, le personnage qu’elle interprète porte le même nom qu’elle, Wanda von Dujanev) : elle commence à interpréter d’autres personnages… tout en laissant s’instaurer un doute sur sa véritable identité.

La pièce

La pièce écrite par Thomas adapte La vénus à la fourrure  de Sacher-Masoch pour le théâtre. Le roman, de 1870, parle de l’amour masochiste de Severin von Kushmeski pour Wanda von Dujanev[1]. La pièce reprend des scènes fortes du roman, en omet d’autres tout aussi fortes (choix artistique de Thomas).



Le film

David Ives, puis Polanski, ont travaillés à partir du roman de Sacher-Masoch pour en sortir une substantifique moelle : le roman parle de rôles pris par des personnes de leur plein gré, ou non. Le film (et avant lui la pièce de David Ives) jouent sur les rôles interprétés par les personnages. Ce n’est pas deux, ni même quatre rôles qui sont interprétés, mais toute une myriade. La distinction entre les rôles apparait d’abord clairement, puis elle se distille, jusqu’à ne plus savoir qui a réellement le pouvoir, qui joue réellement ou non (de Thomas, de Vanda, ou des personnages interprétés).

Ce problème de perception permet à David Ives toute une réflexion sur ce qui unit deux personnes : le couple, la douleur, la soumission, le détachement, le pouvoir… avec comme angle d’attaque le problème de la domination de l’un sur l’autre.

Peu à peu, les personnages perdent de leur appartenance au monde sensible, rejoignent un monde plus vaste, plus mythique, sans toutefois quitter le théâtre. Et cette simple adaptation de Sacher-Masoch, à l’origine assez sexiste, avec un repentir de la femme qui admet in fine la domination de l’homme, devient une tragédie grecque.

C’est principalement pour ces raisons que j’ai apprécié le film, et que je vous conseille d’aller le découvrir en salles.

Bande annonce :


Bon visionnage !





[1] Ce roman donna naissance, par le biais du nom de son auteur Sacher-Masoch, au mot « masochiste » dans son acception actuelle.

mardi 30 juillet 2013

Chihayafuru



Série animée, écrite par Naoya Takayama
D’après le manga de Yuki Suetsugu


Chihayafuru raconte l’histoire de Chihaya Ayase, qui souhaite devenir « reine » du karuta (plus haut grade dans cette activité). Pour ce faire, elle doit créer une petite équipe, et gagner des tournois, tout en jonglant avec la vie et les envies de ses proches.

C’est donc avant tout une histoire de compétition.

Le karuta est un jeu de cartes japonais.

Je me dois de décrire la façon dont on y joue, avant de pointer ce qui me semble intéressant dans la série.

C’est un jeu de mémoire.
Les adversaires tirent 50 cartes des 100 du jeu, et se les répartissent 25/25. Ces cartes contiennent la deuxième partie d’une compilation de poèmes.
La répartition faite, les joueurs attendent qu’un lecteur se mette à lire la première partie d’un poème, et ils doivent prendre la carte qui correspond sur le jeu le plus vite possible.
Le vainqueur est le premier à ne plus avoir de carte devant lui.

C’est un jeu restreint au Japon, quoi que depuis la série, il semble qu’il commence à s’exporter…




Je suis très mitigé. À la fois car c’est une bonne série, mais aussi une série japonaise.

D’une part, c’est une bonne série feuilletonnante, très bien écrite. On s’accroche aux personnages, et aux thématiques universelles qui sont développées dans la série. Le choix du karuta est aussi très bien pensé, puisque c’est considéré à la fois comme un jeu et un sport. Jeu traditionnellement joué au Nouvel An, sport parce qu’il appelle de la mémoire, de la réactivité, et qu’il existe des compétitions. Au final, c’est une activité qui fait autant appel à l’esprit qu’au corps.

D’autre part, je dirais que c’est une série japonaise. C’est d’un point de vue plus large que je vais donc aborder, prenant cette série comme exemple, avant de revenir sur les spécificités de cette série.
Tout d’abord, je n’ai rien contre la production audiovisuelle japonaise. Mais à force d’en voir, on voit revenir des thématiques précises, avec un traitement qui est propre à ce pays. On voit aussi, à un autre niveau, comment sont écrit, comment sont amenés les éléments, presque à chaque fois. C’est à la fois ce qui fait le charme de ses séries japonaises (animées ou non) et qui, d’un autre côté, rend cette production « attendue ».
Ainsi, Chihayafuru fait appel à des thématiques trop vues à mon sens, dans le traitement qui y est apporté : il y a le dépassement de soi, l’importance de l’équipe, la question de l’amitié, l’importance de la compétition, la question du bouc émissaire, couplé à celle de l’ijime (intimidation), etc. Ces thématiques sont toujours traitées de la même manière, avec la même finalité.

Ceci n’enlève rien à la pétulance de Chihaya Ayase, et à la vie qui sort de cette série, que je vous recommande.



Là-dessus, je remarque deux choses que je tiens à vous faire partager :
-         L’épisode 16 ne sert à rien et reprend pour l’essentiel des animations qui ont déjà servi. C’est du remplissage.
-         Dans les épisodes 23 et 24 (d’une première saison qui en compte 25), les héros sont totalement passifs, rivés devant la télé, en train de regarder une compétition de karuta. Je trouve qu’il y a une beauté à faire un cliffhanger de trois épisodes pour faire attendre la saison 2… Là-dessus, le scénariste présente les compétiteurs pour pouvoir créer une dramaturgie au sein du combat. Cette présentation met en exergue ce qui permet aux gagnants de gagner, et qui n’est autre qu’une radicalisation des thèmes propre à cette série :
o   L’amour du jeu est-il l’amour du sport ?
o   Faut-il persévérer à jouer où se mettre à travailler ?
o   Comment apprécier les cartes ? Par la poésie qu’elles contiennent, par leur histoire, par les syllabes (cartes à 1, 2 ou 3 syllabes), par la tradition, par l’analyse statistique, par le souvenir de quelqu’un, etc. ?

Ce sont en grande partie ces dernières thématiques qui m'ont accroché à cet anime.



dimanche 21 avril 2013

La traversée du temps


La traversée du temps (2007)
Un dessin animé de Mamoru Hosoda
Sur un scénario de Satoko Okudera
d'après le roman éponyme de Yasutaka Tsutsui

Hier soir, j'ai revu "La Traversée du temps" de Mamoru Hosoda.

Makoto Konno, un fille qui ne prend pas le temps de penser avant d'agir, se retrouve doué du pouvoir de traverser le temps. Afin d'éviter de s'engager, elle se sert de se don pour régler les problèmes amoureux de ses amis, en aidant, de fait, d'autre filles amoureuses à se rapprocher d'eux. Seulement, ses voyages provoquent d'autres catastrophes. Et nous sommes en fin d'année scolaire, aussi, à 17 ans, il faut tracer les grandes lignes de son futur...

Les personnages sont tous très bien écrits, tous attachant. Le récit est à la foi vif et léger, et l'on se demande tout de suite comment Makoto s'en sortira.



Le seul défaut est, à mon sens, la fin. Il semble que le scénariste n'ai pas trouvé comment finir - il engage d'ailleurs un "tunnel explicatif" ("scène de reprise de chapeau" dirait Hitchcock) à un instant où le temps est arrêté, et il accumule alors les incohérences. Je pinaille, je sais, mais qui aimes bien châtie bien. Ce moment légèrement romantique, presque légèrement sirupeux, transforme Makoto. Mais bizarrement, à ce moment, qui aurait du être un des plus fort du film, il semble passer à coté de son sujet. Est-ce un soucis de rapport au livre ? Je l'ignore. Mais tout à coup, les motivation de l'interlocuteur de Makoto, interlocuteur que l'on connait depuis le début du film, paraissent floues. En expliquant ce qui se passe à Makoto, il ajoute un degré de plus à ces passages dans le temps, puisque lui-même vient du futur... mais tout le  film, habilement monté jusqu'alors, devient un château de cartes qui tombe.

Mais à part cette fin, le film reste un très bon moment.


dimanche 24 février 2013

Seventh Heaven - L'heure suprême

Seventh Heaven - L'heure suprême



Réalisé par Frank Borzage
Sur un scénario de Benjamin Glazer
D'après la pièce éponyme d'Austin Strong

C'est un bon mélodrame, formidablement mis en scène. L'histoire d'un amour qui se crée entre deux personnes, Chico et Diane, tandis que Chico doit partir  l'armée, pour la guerre de 14.

Quelques thèmes ont un peu vieilli, voir ne sont plus d’actualité (en France en tout cas) : notamment le rapport à la religion. Le film est favori aux oscars de 1929.


avant goût de The Artist...

Mais il me semble que cette fiction arriva trop tôt. Les conventions hollywoodiennes de l’époque ont probablement joué sur l’écriture du scénario, qui, du coup, n’arrive pas à choisir le bon protagoniste. Les deux personnages principaux sont Chico et Diane, qui ne se connaissent pas au début du film, mais qui se rencontrent et entre qui un amour fort naît peu à peu. Seulement, Chico rêve, quand Diane est une femme battue par sa sœur. Entre les deux, mon empathie se dirige plus vers Diane que vers Chico. Elle vit aussi le plus de conflits dans le film : elle passe d’une sœur qui la bat à l’appartement d’un homme qu’elle ne connaît pas, et qui part ensuite pour la guerre alors qu’elle commence à l’aimer, puis elle se fait ouvertement draguer dans l'entreprise de construction de munitions où elle travaille. Tandis que Chico reste passif durant tout le film, sauf lorsqu’il la protège, par deux fois, au début.




L’intérêt me semble porté sur Diane. Ceci en fait un film fort puisque les héros de cette époque sont essentiellement masculins. Mais Diane ne va pas jusqu’au bout de là où elle pourrait aller (où on la ferait probablement aller de nos jours). De fait, elle devient passive à partir du moment où Chico la quitte pour la guerre. Des pointes d’activités lorsqu’elle se repaît en fouettant sa sœur, lorsqu’elle dit « non » au supérieur, mais sans cela, elle reste la femme à sa fenêtre qui attend le retour de son homme. Mais Chico, alors filmé, reste soldat parmi les soldats, donc passif.

Or, qu’y a-t-il de plus ennuyeux que de voir deux personnages passifs ne rien faire (ici pour leur amour) à l’écran ?




Le problème tient en la théorie du film : « l’amour ne connaît pas de frontières. » Il semble difficile de faire admettre une telle théorie si l’un et l’autre se retrouvent. Le truc ici est un rendez-vous, que donne Chico à Diane. Il pense à son amour pour elle à onze heures, tous les jours, où qu’il soit. Et Diane reçoit cet amour, où qu’elle soit, à onze heures précises.

Le scénariste n’a peut être pas pu (ou pas pensé pouvoir) donner un rôle plus fort, plus volontaire à Diane, où, soyons fou, elle irait le rejoindre par quelques moyens que ce soit sur le champ de bataille, comme Roxane dans Cyrano de Bergerac.

C’est un film de 1929, rappelons-le…




Hormis ce problème de scénario, ce film reste un beau film, formidablement interprété et mis en scène. Sur les cinq oscars pour lesquels le film a été nominé, Frank Borzage et l’actrice interprétant Diane, Janet Gaynor, ont été chacun récompensés d’une statuette. Si ce film vaut le détour, ça reste pour la réalisation et le jeu.

Une autre présentation, par Benjamin Merlet :



Enfin, si vous voulez voir le film, il est disponible sur Youtubes :



A bientôt !

mardi 4 décembre 2012

A Royal Affair

Royal Affair


Réalisé par Nikolaj Arcel
Sur un scénario de Rasmus Heisterberg et Nikolaj Arcel
Basé sur le roman Prinsesse af Blodet (Princesse de sang) de Bodil Steensen-Leth

Prix du meilleur scénario au festival de Berlin

Tout d’abord, je trouve que Royal Affair est un film absolument génial.



L'histoire (toute l'histoire, inclut la fin) :

Une princesse anglaise, Caroline Matilde, est mariée au roi du Danemark, Christian VII, qui est un peu dérangé – il vit avec une emphase immodérée. Cette princesse est venue au Danemark avec une bibliothèque, contenant entre autre des ouvrages de Locke, ouvrages censurés au Danemark. Le roi la fait tomber enceinte d’un fils. Caroline Mathilde, maintenant reine, n’aime pas son mari.

Christian VII part faire son tour d’Europe. Afin de retrouver les faveurs du roi, un groupe d’hommes exilés de la cour arrivent à lui adjoindre un médecin, Struensee, libre penseur. Caroline Mathilde remarque l’influence de ce dernier sur le roi, et lui propose de faire passer leurs idées par le roi.

Or, le conseil d’état était dirigé par le clergé. Sous l’impulsion de Struensee, le roi commence à prendre plus de pouvoir, et va jusqu’à dissoudre se conseil, afin de mettre en place, pratiquement, une dictature. Cette dictature permet à Caroline Mathilde et à Struensee de faire passer les idées des lumières.

Mais la relation qu’entretiennent la reine et le médecin du roi fait que cette dernière tombe à nouveau enceinte. Tout s’accélère, car Caroline Mathilde est forcée de ce rapprocher de son mari (et non plus de son médecin). Seulement, des informations passent, et la presse commence à dire que l’enfant que porte Caroline n’est pas du roi mais de son médecin.

Struensee est amené à rétablir la censure de la presse. Mais cela ne suffit pas, et le clergé (et les nobles qui ont eux aussi été floués dans l’affaire) arrivent à conduire le peuple à faire trembler le pouvoir. Finalement, le roi signe un édit d’arrêt pour son médecin, mais  pas parce que ce dernier a couché avec sa femme. Celui-ci est ensuite capturé. Le conseil reprend ses droits, et annule les avancées de Struensee. Il finit exécuté. La reine finit pour sa part sa vie au couvent, où, alors qu’elle sombre, cinq ans plus tard, dans une maladie, elle écrit à ses enfants ce qu’il s’est passé à cette période.



On vante, en France, un triangle amoureux entre un roi, une reine, et le médecin du roi. Mais c’est bien le coté politique qui est au centre du film. Le Danemark était le pays le plus avancé d’Europe à suivre les idées des lumières, et Christian VII a même reçu une lettre de Voltaire pour le féliciter.

Le sujet du film est bien l’évolution puis la récession du Danemark dans les années 1770, et bien sur (c’est moi qui interprète à présent) le lien avec notre monde actuel, où se profile une époque où la religion reprend des forces.

Que dire de plus ? Les images sont magnifiques, servies par une lumière extraordinaire. Les intérieurs ont la beauté du Barry Lindon de Stanley Kubrick.



Les 2h09 que dure le film peuvent sembler longue, de prime abord, mais le film exige presque d’avoir un rythme lent, et le plaisir des yeux en fait un vrai film de cinéma.

C’est donc un film, vous l’aurez compris, que je vous conseille chaudement (sur grand écran, bien sur, ça vaut l’investissement dans la place de cinéma) !

Voici donc enfin la bande annonce française :

jeudi 5 juillet 2012

Masterclass Alexandre Astier

Jeudi 5 juillet 2012, la Comic Con' a invité Alexandre Astier à tenir une masterclass de 2h, sur la scène principale du parc des expositions de Villepinte. A cette occasion, il a évoqué plusieurs sujets. Je n'avais ni notes ni papiers, mais j'ai retranscrit ce dont je me souvenais. Il a commencé par répondre aux questions préparées par les intervenant, avant de répondre aux questions du public.



Ainsi donc, un digest de la masterclass :


« Bon on est jeudi, je me disais donc que tout le monde travaillait, et qu’il n’y aurait personne. Mais au vu des quatre mille personnes devant moi, je me suis trompé » [acclamation de la foule]

« Je suis une personne qui fait tout, ce qui a un avantage et un inconvénient – notamment lors du lancement du projet, puisque maintenant, j’ai plus de facilités. L’avantage, c’est que je reste maître de la situation, et que je sais où je vais. L’inconvénient, c’est que les décideurs, eux, ne le voient pas toujours. Je devais montrer la scène finie pour que les décideurs (production, chaîne) puissent voir où je voulais en venir.
« Cependant, et surtout lorsqu’on n’est pas connu, il faut savoir se battre pour faire respecter notre projet. Par exemple : alors que nous étions en train de tourner une scène de la première saison, une personne est venue me voir sur le plateau. Elle m’a conseillé d’aller voir pour les photos de Kaamelott qui étaient en train d’être faites. Elle me précisa que je n’allais pas aimer : effectivement, non. Les photographes – de journaux télévisés type Télé7jours, je ne me souviens plus des autres […] – faisaient prendre des poses débiles aux personnages… afin de montrer le côté comédie. Il a donc fallu que je leur explique que Kaamelott était une comédie sérieuse, et en France, ça semble difficile à comprendre. Dans les centres commerciaux, il y a parfois des téléviseurs qui diffusent des films sans le son. Kaamelott, sans le son, je veux que ça donne l’impression d’être un film sérieux. Ce n’est que lorsqu’on allume le son que l’on peut rire.

« Lorsque j’ai décidé de travailler sur ce projet, j’avais une idée de ce que je voulais faire. Cette idée s’est modifiée au cours de la création, et au final, si je m’y étais cantonné, je n’aurais pas été aussi loin.
« Dans les trois premières saisons de Kaamelott, nous n'avions pas énormément de moyens, aussi tout devait passer par le dialogue. Je ne pouvais pas faire un plan muet qui exprimait quelque chose. Comparons avec la musique. Une musique est construite avec un thème auquel l’accompagnement donne une couleur ; un film est construit avec la structure du scénario (le thème) puis les dialogues suivis du montage et de la musique donnent eux aussi une couleur.

« Pour moi, une saison de Kaamelott, c’est 6 h qui sont coupées en tranches, en 100 tranches ou en moins (pour un format final de 3min, 7min, 52min). Dans ces 6 heures, le plus difficile à construire, ce sont les arches dramatiques des personnages. Par exemple en saison 6, il y a 120 personnages, et, même si tous n’ont pas d’arches propres, les groupes de personnages, ont de toutes façon une arche. »

« Arthur prend les gens comme une suite d'individualités, tandis que Lancelot les conçoit en tant que masse. C’est le conflit qui est la base de tout Kaamelott. »

 « Dans la première demi-heure du premier film Kaamelott, Lancelot s’empare du royaume et le domine en tyran. Tout en l’écrivant pour le film, je me suis dit que c’était un domaine passionnant, et qu’une demi-heure pour le traiter était un laps de temps trop court. Aussi j’ai choisi de développer ce passage [dans la nouvelle saison/dans des nouvelles dont certaines seront reprises en livre audio voir en une nouvelle saison]. »

« Chez moi, le comédien est roi. Habituellement, on écrit un scénario, puis on trouve un metteur en scène, et enfin on fait un casting. Toujours en général, dans les bibles de séries, les personnages sont résumés à des caractères. Dans Kaamelott, Arthur est grognon, Guenièvre est une cruche, [Untel] est une brute… Si l’on se base uniquement là-dessus, on perd tout ce qui fait la richesse du personnage : car on ne peut être une brute sans avoir aussi des moments de grande tendresse. Je n’écris donc pas pour des caractères, je n’écris pas non plus pour des personnages, mais j’écris pour des comédiens, et avec eux. De fait, parfois, quand j’allais mal, le roi Arthur lui-même allait mal. C’est une question de sincérité avec le personnage.
« Toute la structure de ce qui va être tourné est prête, aussi le dialogue vient très vite, de façon intuitive : je connais les comédiens, les comédiens me connaissent… Une fois, je jouais une scène avec Bohort, et il me disait qu’il n’arrivait pas à sortir une réplique, mais qu’il allait réessayer. Je lui dis non, tout en lui proposant de changer la réplique afin qu’il puisse la sortir. Nous jouions ensemble depuis longtemps, et comme au bout de la seconde prise, il n’arrivait toujours pas à l'exprimer, et c'était moi qui avais fait une erreur d'interprétation en l'écrivant. La réplique fut modifiée.
Je ne donne pas aux acteurs le texte avant le matin où ils vont avoir à les jouer, car je ne veux pas qu’ils plaquent une musique de jeu sur la mélodie des dialogues. Certains adorent ça. Mon père par exemple a ce petit rituel : il se fait maquiller, de prendre son café et de découvrir le texte. D’autres ont peur d’avoir à interpréter un rôle qui ne leur convient pas tout à fait (voir pas du tout). Mais je travaille avec eux, donc ils n’ont pas de raisons de s’inquiéter. Même si parfois, en bon enfoiré [sic], je donne quand même de gros dialogues le matin, alors qu’ils ne semblent pas avoir spécialement le temps de les apprendre. Ainsi, une fois, j’ai donné le matin un monologue de quatre ou cinq pages à l’acteur qui a interprété César, 83 ans à l’époque. Dans cette scène, il était allongé sur son lit et jouait ce monologue. J'avais prévu cette scène en plan-séquence avec un lent travelling à l’issue duquel on découvrait un des protagonistes [dont le nom m’échappe], aussi était elle assez chronométrée. Je dis à l’acteur que je ne pouvais pas la tourner comme prévu, mais il me répond que ça ne lui posait pas de problème. On a fait deux prises : les deux fois, il a dit son texte à la virgule près. C’était la dernière scène qu’il devait jouer dans le plan de tournage, aussi, comme de coutume, toute l'équipe applaudit l’acteur. Il s’est tourné vers moi – excusez-moi, je ne vais pas arriver à le dire sans pleurer – et m’a avoué avoir rajeuni de vingt ans. Ça signifie que ça faisait vingt ans qu’on ne lui avait pas proposé un rôle comme ça, un rôle à sa mesure. Cet acteur a créé tant de grands rôles pour le théâtre : ce n’est pas un manchot. Lorsque les chaînes le cantonnent à de petits rôles pour la seule raison qu'il a une bonne tête et donc qu'il va rassurer le téléspectateur, autant faire du 30km/h en pilotant une Ferrari. Je parle ici de lui, cependant, beaucoup d'autres acteurs se retrouvent dans son cas.

« Je suis entré dans la musique bien avant de poser le pied sur une scène de théâtre (cette nouvelle entrée s’étant presque effectué par hasard). J’ai commencé à 6 ans, à 20 ans j’y étais encore, avec les diplômes et tout. 
« Le meilleur moyen de porter la musique classique, ce n’est pas les concerts, ce n’est pas les CDs, c’est le cinéma (petit ou grand écran). Tous les grands noms de la musique classique y sont.
« Je compose dans les décors : l’assistant réa a toujours une partition vierge et un crayon avec lui, et quand quelque chose me vient, je peux écrire. Ainsi, les musiques de la saison 6 ont été composées dans les studios de Cinecitta, puis affinées chez moi.
« Je fais tout comme un musicien : j’écris comme un musicien, je réalise comme un musicien, je monte comme un musicien. »

« On fait avant tout du spectacle. La télévision, le théâtre ou le cinéma ne sont que des canaux par lesquels ce spectacle est diffusé. »

Vous pouvez retrouver Alexandre Astier sur twitter : @sgtpembry