Ainsi donc, un digest de la masterclass :
« Bon on est jeudi,
je me disais donc que tout le monde travaillait, et qu’il n’y aurait personne.
Mais au vu des quatre mille personnes devant moi, je me suis trompé »
[acclamation de la foule]
« Je suis une
personne qui fait tout, ce qui a un avantage et un inconvénient – notamment lors
du lancement du projet, puisque maintenant, j’ai plus de facilités. L’avantage,
c’est que je reste maître de la situation, et que je sais où je vais.
L’inconvénient, c’est que les décideurs, eux, ne le voient pas toujours. Je
devais montrer la scène finie pour que les décideurs (production, chaîne)
puissent voir où je voulais en venir.
« Cependant, et
surtout lorsqu’on n’est pas connu, il faut savoir se battre pour faire
respecter notre projet. Par exemple : alors que nous étions en train de
tourner une scène de la première saison, une personne est venue me voir sur le
plateau. Elle m’a conseillé d’aller voir pour les photos de Kaamelott qui
étaient en train d’être faites. Elle me précisa que je n’allais pas aimer :
effectivement, non. Les photographes – de journaux télévisés type Télé7jours, je
ne me souviens plus des autres […] – faisaient prendre des poses débiles aux
personnages… afin de montrer le côté comédie. Il a donc fallu que je leur
explique que Kaamelott était une comédie sérieuse,
et en France, ça semble difficile à comprendre. Dans les centres commerciaux,
il y a parfois des téléviseurs qui diffusent des films sans le son. Kaamelott,
sans le son, je veux que ça donne l’impression d’être un film sérieux. Ce n’est
que lorsqu’on allume le son que l’on peut rire.
« Lorsque j’ai
décidé de travailler sur ce projet, j’avais une idée de ce que je voulais
faire. Cette idée s’est modifiée au cours de la création, et au final, si je
m’y étais cantonné, je n’aurais pas été aussi loin.
« Dans les trois
premières saisons de Kaamelott, nous n'avions pas énormément de moyens, aussi
tout devait passer par le dialogue. Je ne pouvais pas faire un plan muet qui
exprimait quelque chose. Comparons avec la musique. Une musique est
construite avec un thème auquel l’accompagnement donne une couleur ; un film
est construit avec la structure du scénario (le thème) puis les dialogues
suivis du montage et de la musique donnent eux aussi une couleur.
« Pour moi, une
saison de Kaamelott, c’est 6 h qui sont coupées en tranches, en 100 tranches ou
en moins (pour un format final de 3min, 7min, 52min). Dans ces 6 heures, le
plus difficile à construire, ce sont les arches dramatiques des personnages.
Par exemple en saison 6, il y a 120 personnages, et, même si tous n’ont
pas d’arches propres, les groupes de personnages, ont de toutes façon une
arche. »
« Arthur prend les
gens comme une suite d'individualités, tandis que Lancelot les conçoit en tant
que masse. C’est le conflit qui est la base de tout Kaamelott. »
« Dans la première demi-heure du premier
film Kaamelott, Lancelot s’empare du royaume et le domine en tyran. Tout en
l’écrivant pour le film, je me suis dit que c’était un domaine passionnant, et
qu’une demi-heure pour le traiter était un laps de temps trop court. Aussi j’ai
choisi de développer ce passage [dans la nouvelle saison/dans des nouvelles
dont certaines seront reprises en livre audio voir en une nouvelle
saison]. »
« Chez moi, le
comédien est roi. Habituellement, on écrit un scénario, puis on trouve un
metteur en scène, et enfin on fait un casting.
Toujours en général, dans les bibles de séries, les personnages sont résumés à
des caractères. Dans Kaamelott, Arthur est grognon, Guenièvre est une cruche,
[Untel] est une brute… Si l’on se base uniquement là-dessus, on perd tout ce
qui fait la richesse du personnage : car on ne peut être une brute sans
avoir aussi des moments de grande tendresse. Je n’écris donc pas pour des
caractères, je n’écris pas non plus pour des personnages, mais j’écris pour des
comédiens, et avec eux. De fait, parfois, quand j’allais mal, le roi Arthur
lui-même allait mal. C’est une question de sincérité avec le personnage.
« Toute la structure de
ce qui va être tourné est prête, aussi le dialogue vient très vite, de façon
intuitive : je connais les comédiens, les comédiens me connaissent… Une
fois, je jouais une scène avec Bohort, et il me disait qu’il n’arrivait
pas à sortir une réplique, mais qu’il allait réessayer. Je lui dis non, tout en
lui proposant de changer la réplique afin qu’il puisse la sortir. Nous jouions
ensemble depuis longtemps, et comme au bout de la seconde prise, il n’arrivait toujours
pas à l'exprimer, et c'était moi qui avais fait une erreur d'interprétation en l'écrivant.
La réplique fut modifiée.
Je ne donne pas aux
acteurs le texte avant le matin où ils vont avoir à les jouer, car je ne veux
pas qu’ils plaquent une musique de jeu sur la mélodie des dialogues. Certains
adorent ça. Mon père par exemple a ce petit rituel : il se fait maquiller, de
prendre son café et de découvrir le texte. D’autres ont peur d’avoir à
interpréter un rôle qui ne leur convient pas tout à fait (voir pas du tout).
Mais je travaille avec eux, donc ils n’ont pas de raisons de
s’inquiéter. Même si parfois, en bon enfoiré [sic], je donne quand même de
gros dialogues le matin, alors qu’ils ne semblent pas avoir spécialement le
temps de les apprendre. Ainsi, une fois, j’ai donné le matin un monologue de
quatre ou cinq pages à l’acteur qui a interprété César, 83 ans à l’époque. Dans
cette scène, il était allongé sur son lit et jouait ce monologue. J'avais prévu
cette scène en plan-séquence avec un lent travelling à l’issue duquel on
découvrait un des protagonistes [dont le nom m’échappe], aussi était elle assez
chronométrée. Je dis à l’acteur que je ne pouvais pas la tourner comme prévu,
mais il me répond que ça ne lui posait pas de problème. On a fait deux
prises : les deux fois, il a dit son texte à la virgule près. C’était la
dernière scène qu’il devait jouer dans le plan de tournage, aussi, comme de
coutume, toute l'équipe applaudit l’acteur. Il s’est tourné vers moi – excusez-moi,
je ne vais pas arriver à le dire sans pleurer – et m’a avoué avoir rajeuni de
vingt ans. Ça signifie que ça faisait vingt ans qu’on ne lui avait pas
proposé un rôle comme ça, un rôle à sa mesure. Cet acteur a créé tant de grands
rôles pour le théâtre : ce n’est pas un manchot. Lorsque les chaînes le
cantonnent à de petits rôles pour la seule raison qu'il a une bonne tête et
donc qu'il va rassurer le téléspectateur, autant faire du 30km/h en pilotant
une Ferrari. Je parle ici de lui, cependant, beaucoup d'autres acteurs se
retrouvent dans son cas.
« Je suis entré
dans la musique bien avant de poser le pied sur une scène de théâtre (cette
nouvelle entrée s’étant presque effectué par hasard). J’ai commencé à 6 ans, à
20 ans j’y étais encore, avec les diplômes et tout.
« Le meilleur moyen
de porter la musique classique, ce n’est pas les concerts, ce n’est pas les
CDs, c’est le cinéma (petit ou grand écran). Tous les grands noms de la musique
classique y sont.
« Je compose dans
les décors : l’assistant réa a toujours une partition vierge et un crayon
avec lui, et quand quelque chose me vient, je peux écrire. Ainsi, les musiques
de la saison 6 ont été composées dans les studios de Cinecitta, puis
affinées chez moi.
« Je fais tout
comme un musicien : j’écris comme un musicien, je réalise comme un
musicien, je monte comme un musicien. »
« On fait avant
tout du spectacle. La télévision, le théâtre ou le cinéma ne sont que des
canaux par lesquels ce spectacle est diffusé. »
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